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COLLECTIF EUROPEEN
D'EQUIPES DE PEDAGOGIE INSTITUTIONNELLE
date : année 2002-2003
mots-clés : cadre, place, position

« En formation d'adultes, comme en classe, je mets des cadres en place. »

Des cadres assez stricts, des grilles d'emploi du temps, des règles de fonctionnement, des lieux et des temps de paroles prévus pour tel domaine de travail et non tel autre. Voilà comment je fonctionne tant en formation d'adultes qu'en classe. Mais ce genre de cadre n'est pas bienvenu chez tous. Les uns transgressent allègrement, les autres râlent disant qu'on peut très bien se passer de tout ça pour fonctionner en groupe et faire « comme on veut », d'autres s'y soumettent entre autres, disent-ils pour « jouer le jeu». Ce sont de fameuses contraintes, j'ai à les respecter moi aussi et comme responsable de formation, à garantir qu'elles le soient…le « comme on veut », je m'en méfie car c'est souvent la volonté de quelques uns qui domine et le bon plaisir du moment…de plus, pour moi, tout ça n'est pas un jeu.

Donc, j'ai à tenir bon, même rudement, même en ayant l'air d'être rigide. Résultat : il arrive que des participants soient furieux, m'en veuillent, ridiculisent le tout. Bref, en étant responsable, je risque d'être mal vue, ni comme prof, ni comme responsable de formation je n'aime pas ça.

C'est plus sécurisant quand ils sont tous contents et qu'en plus ils vous trouvent bon, ils vous aiment.

L'éthique apprise en PI me permet de tenir la place : je ne suis pas là pour la fusion, je ne suis pas là pour qu'ils m'aiment ni même pour leur faire plaisir… Je suis là pour qu'ils aient l'occasion, s'ils le veulent, d'apprendre, et cela, en garantissant fermement, la place de chacun. La mienne aussi d'ailleurs, de toute façon tout ce cadre, ce n'est pas pour le cadre qu'il me tient à cœur…c'est pour la photo que chacun va mettre dedans… et là, elle ne sera ni abîmée ni déchirée… elle trouvera un support… Alors hyperprésente aussi à ce chacun trouve, via toutes sortes de petites institutions, moments, possibilités de prendre place, le type de photo que lui va mettre en jeu…Le cadre c'est pas pour le plaisir de jouer au gendarme. Quelqu'un dans un stage un jour m'a appelé le gendarme. Ça m'a fait un choc… d'autant plus que je n'ai pas cette image de moi, les autres non plus. Puis en réfléchissant, je me suis dit :

« Ben oui, si c'est celui qui est sensé faire respecter la loi pour la sécurité et la création possible de tous, va pour gendarme. La PI est un des lieux où j'apprends le plus fort à tenir la place, à tenir une fonction. Et tant pis (ou tant mieux même) s'il peut y avoir rejet, résistance traduite en agressivité envers moi.

 

Ça n'a l'air de rien et pourtant ce n'est pas si facile : tenir le cadre et aussi entendre l'envie de le casser, alors que pour moi il est un filet d'or…Tenir le cadre et n'être ni copine, ni maman, ni papa, ni maître… Tenir le cadre et l'éthique et risquer d'être critiquée, rejetée… ? Le narcissisme en prend un coup. Tenir le cadre et l'éthique et la responsabilité, avec la volonté que le désir de chacun puisse circuler à l'intérieur d'un groupe qui est là pour apprendre… Ce n'est pas si facile.  Botter les f… et soutenir chaque un, via les institutions inventées et via les possibilités d'écoute. Dire (faire) des oui et des non ! Tenir cette place et aussi se demander pourquoi on s'y met… se mettre à s'écouter soi aussi…Qu'est ce que je fous là ? ! ! 

En pratiquant la PI, dans la classe et en formation d'adultes, j'apprends ça.
Ça fait déjà 25 ans, ma formation n'est pas finie !

Noëlle De Smet




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