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COLLECTIF EUROPEEN
D'EQUIPES DE PEDAGOGIE INSTITUTIONNELLE
auteur : veronique
date : 08 avril 2022

Younas

Ce texte a été présenté lors des Rencontres « Psychothérapie et Pédagogie institutionnelles » qui se sont tenues les 24, 25 et 26 octobre 2021 à la clinique La Borde.

Je travaille dans un lycée professionnel à Bordeaux. On a souvent entendu parler de cet établissement comme d'un lycée « poubelle » où les élèves comme les enseignants ne viennent, en général, pas par choix. Il reçoit des lycéens qui cumulent des difficultés scolaires, sociales et dans certains cas psychologiques.

Depuis bientôt 10 ans Philippe Legouis et moi nous sommes constitués dans le cadre du Ceépi en une équipe de pédagogie institutionnelle, l'épi-est-sur-t'erre, qui se réunit régulièrement et articule parfois son travail avec une autre équipe, les Caus'actes. Le texte « Younas » a fait l'objet d'une présentation en grand groupe.

 

 

Younas : en quoi notre travail en PI peut-il nous donner des repères dans les péripéties de l'adolescence en lycée professionnel ?

 

Nous sommes au mois de mai, dans quelques jours les élèves partent en stage professionnel jusqu'aux grandes vacances et leur conseil de classe devrait avoir lieu avant leur départ.

Ce matin, je suis passée dire bonjour aux élèves de la Première Vente dans le cours de ma collègue. Younas me prévient qu'il sera absent à mon cours demain car il doit aller au tribunal comme témoin. Je lui réponds que j'avais bien reçu sa demande de faire un nouveau devoir pour augmenter sa moyenne et que je comptais lui en donner l'opportunité demain. Mais là, cette nouvelle change la donne et je lui propose d'écrire un devoir sur son expérience au tribunal. Il me répond qu'il va se mettre dans la peau de l'accusé pour cet écrit.

L'après-midi, avec son groupe, il passe dans ma classe pour la collecte de produits cosmétiques recyclables (dans le cadre du projet chef d'œuvre, les élèves doivent mettre en œuvre un projet en lien avec leur domaine professionnel). Younas demande régulièrement l'heure car il doit être exact à son rendez-vous au tribunal. En partant je lui dis à bientôt et il me répond qu'il ne sait pas quand nous nous reverrons car il se pourrait que de témoin il devienne accusé.

Ce soir vers 19h, j'ai reçu sa rédaction.

 

« Le 30 mai 2018 avec des potes j'étais sorti. On galère de fou, y avait rien à faire, du coup pour déconner on s'est dit et si on allait voler un scooter. Du coup, on a cherché des scooters à côté de mon quartier. On s'est retrouvé à la rue Tivoli, où devant nous dans une ruelle il y avait un gars en scoot.

Moi et mes amis avons dit au mec de s'arrêter puis lui l'a fait, nous lui avons retiré les clefs du scooter puis nous lui avons dit que s'il voulait le récupérer, il devait nous donner 50 euros (bien sûr nous n'allions pas lui rendre le scoot). Il nous a dit d'accord, sa maison se trouvait juste en face. Du coup, il nous a dit qu'il va les récupérer. Sauf que devant, il y avait des filles qu'il connaissait. Donc en rentrant, il prit les sous et a envoyé un message aux filles de devant pour appeler la police. Une fois que les filles ont appelé la police, il mettait du temps à nous donner les sous, nous ne doutions pas de son traquenard, nous continuons à discuter avec lui.

La police débarqua et nous prenions tous la fuite, seul moi fut attrapé, je finis en garde à vue. Je devais seulement faire 24 h mais le procureur en décidait autrement et a prolongé ma garde à vue de 24h

C'est que le 16 avril 2021 que je fus jugé, je n'ai écopé d'aucune sanction car mes faits furent commis y a deux ans et qu'entre temps je n'ai commis aucune incivilité. Honnêtement au tribunal, j'avais la boule au ventre mais au final ça s'est bien passé.

Younas K.

Le 30 mai 2021

Titre : J'emmerde la Procureur

 

 

Ph L :

Le lendemain du jour où nous avons pris connaissance avec perplexité de ce texte qui se voulait rassurant sur ce qui s'était passé au tribunal et de son titre dont nous ne savions plus au juste quel sens lui donner, je me suis réveillé avec dans ma tête à demi ensommeillée l'image du tableau monumental et célèbre de Salvador Dali intitulé le Christ de Saint-Jean-de-la-Croix. Il s'agit d'un tableau où le Christ est représenté en perspective plongeante sur fond de ténèbres, surplombant la baie de Port Llicat, village catalan de pêcheurs dont Dali disait qu'il n'était chez lui qu'en ce lieu.

S'y articulait le Songe non moins fameux qui sous la plume du romantique allemand Jean-Paul Richter décrivait ainsi les effets du Discours du Christ mort du haut de l'édifice du monde, qu'il n'y a pas de Dieu : « les enfants morts accourent et demandent à Jésus : '' N'avons-nous pas de père ? '' Et il répondit : '' Nous sommes tous orphelins, vous et moi n'avons pas de père. '' A ces mots, le temple et les enfants s'abîmèrent, et tout l'édifice du monde s'écroula devant moi dans son immensité.»

J'avais été amené à en re-découvrir dans les jours précédents, à propos d'un travail voisin, un commentaire ainsi rédigé par Pierre Legendre dans son ouvrage Le crime du caporal Lortie : « Avant tout, il faut avoir à l'esprit que la vie humaine est ouverte sur l'abîme et que l'idée même de ce que nous appelons le Père tient une place bien précise dans les systèmes institutionnels. Prenons la tradition ouest-européenne. Comment situer l'abîme contre lequel le Père sert de protection ? Comme partout dans l'humanité, le temps premier de la réponse ne peut être qu'un détour poétique, s'agissant d'aborder les limites du parlable. (qui, du côté de la P.T.I., peuvent déboucher sur la question du Religieux B)

Je mesurais ce matin-là l'enjeu d'une telle interprétation, rapportée à l'énoncé du titre du texte de l'élève de Véronique. Au delà de l'ambiguïté que laissait planer le contenu rassurant et apaisé du texte lui-même, chez un élève dont elle laissait par ailleurs entendre qu'il aimait les mots, je l'engageais donc à intervenir néanmoins pour que lui soit signifié le respect et l'égard dont il devait témoigner vis à vis de la fonction juridique qui se portait garante du maintien et de la tenue des constructions à la fois humaines et institutionnelles. Ce qu'elle finit par faire après bien des insistances auprès de lui et quelques rendez-vous manqués, et qui eut pour effet qu'elle lui proposa de démêler dans un second texte les raisons, qu'il lui exposa alors et que selon lui, elle aurait pu avoir elle-même d'interpréter plus souplement le libellé de son titre.

 

V L :

Ce matin, Younas n'est pas venu en classe. J'ai interpellé Sofia, une de ses amies afin qu'elle lui envoie un message pour savoir s'il nous rejoindrait à 9h car je souhaitais discuter avec lui. Il me fait dire qu'il ne viendra pas mais il me transmet son numéro de téléphone. J'essaie de le joindre à 10h, il ne répond pas, je lui laisse un message qui lui explique les raisons de mon appel et qui lui demande de me rappeler. Je réessaie à 12h30, c'est encore le répondeur. En début d'après-midi, je recherche le numéro du fixe de chez ses parents. J'appelle, il décroche.

Je lui parle du titre de sa rédaction "J'emmerde la procureure". « C'est "ironique" et c'était pour copier une telle, que je ne connais pas ». Je lui explique que dire cette phrase c'est aussi dire j'emmerde le proviseur et/ou j'emmerde mon professeure et que je ne peux accepter dans un écrit ce type de débordement. Il en a convenu. Il doit passer demain après-midi ou vendredi rapporter au lycée sa convention signée, je pourrai continuer à en parler avec lui, qui sait !.

En fin d'après-midi, l'épi-est-sur-terre se réunit. J'y raconte mon échange téléphonique, presque mot à mot dans lequel se déplie une autre manière de comprendre ce titre, il n'est pas là pour provoquer, il prend la forme d'une antiphrase. C'est un élève qui aime les mots, comprendre leurs sens, et qui aime écrire. Dans ce travail nous prenons acte que je vais demander à Younas d'écrire sur le sens de son titre.

Ce soir je lui ai envoyé ce message :

 

« Bonsoir Younas

Notre échange téléphonique sur le titre de votre texte m'a laissé à penser.

Vous l'avez présenté comme ironique, comme l'aurait fait une personne que vous m'avez nommée.

Puis dans notre conversation, vous avez eu des mots justes sur cette procureure qui a pris soin de

votre personne.

Dans ma première lecture, j'ai été fortement interpellée par ce titre, il ne coïncidait pas avec la tonalité de votre histoire, j'avais l'impression d'y voir la trace d'une angoisse.

Et puis je suis restée sur le sens premier de ce titre, celui qui ne prend pas en compte, qui maltraite nos fondements, ceux qui permettent à nos sociétés d'exister et de perdurer.

Afin de pouvoir bien évaluer cet écrit, pourriez-vous m'envoyer un complément de texte qui développe le sens, l'explication de ce titre, titre qui me semble être une antiphrase.

Merci d'avance Younas et bonne écriture.

Mme Legouis »

Il le fit dans les termes transcrits ci-dessous, sans en oublier un mot et à l'aide d'une orthographe et d'une ponctuation conventionnelles qui n'apparaissaient pas dans ce second devoir :

 

« J'ai choisi ce titre car je voulais, dans un premier sens, qu'on le prenne de manière ironique et qu'on se mette à rire, et dans le second sens, je voulais faire référence au rappeur Yousouffa qui récemment a fait polémique car c'est lui qui a fait l'hymne des bleus pour l'Euro (je vous laisse le lien en fin de texte). Certains politiciens ont trouvé que ce n'était pas la meilleure personne désignée pour ce texte car dans d'anciens textes de rap à lui, il avait insulté Marine Le Pen. Il a même été poursuivi par la justice à cause de ça. C'est donc pour cela que j'ai choisi ce titre pour qu'on le prenne de manière ironique et donner mon soutien à Yousouffa, ce qui n'a malheureusement pas marché. »

« Je tiens à signaler aussi que je n'ai rien contre les bons policiers et les bons juges qui ne vous arrêtent ou vous condamnent à cause de votre couleur. »

 

PhL :

Alors bien sûr, quand Véronique m'a transmis ce texte, j'ai eu presque honte d'avoir asséné ainsi l'effondrement du temple et la précipitation des enfants morts dans l'abîme comme raisons d'une interprétation devant tant de finesse dans un maniement des mots que masquait le codage (ortho)graphique pour moi très déroutant du smartphone (qui a peut-être eu bon dos). Et puis, en épi-est-sur-t'erre nous avons remis l'ensemble de ces échanges sur le métier, au risque même d'en provoquer des rebonds dans l'équipe Caus'actes, une autre équipe du Ceépi avec laquelle nous travaillons parfois. L'intention ironique de Y. ne venait-elle pas confirmer l'hypothèse - que nous avions fini par poser lors d'une réunion précédente - d'une antiphrase qui affirmait formellement le contraire de ce qu'elle sous-entendait ? Nous naviguions entre deux bornes : une interprétation écrite dans la pierre qui nous signifiait que la loi était inexorablement la loi, sous peine de voir le monde se défaire, et la complicité dont témoignait un troisième larron ceépiste travaillant avec nous, que lorsqu'au début de sa carrière son activité l'amenait au voisinage des pratiques éducatives de la Protection Judiciaire de la Jeunesse, il recherchait volontiers auprès de ces publics à partager une jouissance dont à cette époque, il y aurait encore eu à faire la part de la connivence ou de la complicité respectives qu'il entretenait avec elle.

Il est certain qu'au regard de cette complicité et de cette jouissance souvent insue, et parfois inavouée, l'inexorable d'une écriture gravée dans le marbre ne peut qu'opposer la pâleur soumise d'un asservissement à la loi. Dans cet entre-deux, nous avons pu ainsi convoquer Szondii et son vecteur P (paroxysmal) séparant une colonne où l'identification à la loi se décline en tout ou rien, et une autre où la séduction (+) ou le rejet (-) hystériques adressés à l'éducateur [ou autre faisant-fonction] qui la représente n'en deviennent pas moins le signe qu'elle n'est plus étrangère au sujet.

 

Il ne s'en concluait pourtant pas moins que pour pouvoir se situer ainsi familièrement, positivement ou négativement par rapport à la loi, quelles que soient les manœuvres d'appropriation qu'Y. avait été amené à entreprendre dans et par son travail d'écriture, il fallait bien que cette loi ait existé, extérieure et antérieure, à lui comme à nous.

Dans cette séance de travail, j'ai entendu ce troisième larron remarquer au passage et contre toute attente qu'une interprétation était toujours sauvage. Cette réflexion m'est apparue à la fois expéditive et très juste : c'était un peu comme s'il avait dit à Y. et à moi, devant mon scrupule pour avoir ainsi asséné l'effondrement du temple et la précipitation des enfants morts dans l'abîme comme raisons d'une interprétation : « une Institution est une Institution» ou « la Loi c'est la Loi. Point ! », ou encore tel un Christ du haut de la croix de Dali, « de toute façon, vous n'y pouvez pas grand-chose, si vous décanillez la procureure, le monde institutionnel que vous avez sous les pieds s'effondre, et vous avec, même si paradoxalement ces constructions peuvent vous apparaître comme une fiction des plus fragiles ».

Dans La fabrique de l'homme occidental, Pierre Legendre déplie ainsi une raison de cette fragilité :

Le Père est d'abord une affaire de symbole, quelque chose de théâtral,

l'artifice vivant qui déjoue la société des sociologues et la science des biologistes.

Ainsi, indéfiniment, les générations apprennent que la parole a pour décor l'indicible,

et que pour être habitable,le monde doit être mis en scène avec des mots.

Qui dira après avoir lu l'histoire de Y. ''lié et délié'', ayant sans doute dans l'intervalle traversé la peur de sa vie, que l'interprétation suivante, vieille comme le monde dans sa dimension mythique, ne lui va pas comme un gant, et qu'elle n'est ni sauvage ni violente... et que Véronique n'en rajoute pas elle-même une couche lorsqu'elle assène à son élève - que par ailleurs elle ne lâche pas -, que le libellé de son antiphrase n'est pas acceptable en dépit de sa trouvaille heuristique ?

 

Souvenons-nous de la scène biblique.

L'éternel a commandé à Abraham de lui sacrifier son fils Isaac.

Un rabbin de la tradition commente ainsi ce texte.

Lorsqu'Abraham voulut ligoter Isaac, celui-ci dit : « Père je suis jeune,

j'ai peur que mon corps se débatte sous l'angoisse du couteau.

Alors, attache moi, attache moi fort... »

Et Abraham ligota Isaac.

Abraham lança la main pour saisir le couteau,

mais ses yeux laissaient couler des larmes,

et les larmes de compassion du père tombaient dans les yeux d'Isaac.

 

Pierre Legendre apporte cette conclusion : la bible explique que l'éternel envoya un bélier pour remplacer le fils. Ce récit du renoncement dit le fond des choses de toute filiation, que le meurtre ne doit pas s'accomplir, mais que la vie comporte pour l'homme l'horizon du dépassement. Un dépassement qui est donc un déplacement, tel est le sens de l'expression ''métaphore paternelle''*. [*meta forein : porter à côté, déplacer (une parole, un geste), mais aussi en l'occurrence porter (un coup) à côté]

Cet horizon du dépassement, a pu être signifié à Y. parce que Véronique ré-enracinait régulièrement son travail dans le cadre d'une équipe de PI qui, en l'occurrence, a pu faire exister en situation et symboliquement, un enjeu de civilisation qui nous est commun à tous et qui se jouait à ce moment-là pour cet élève, l'instance d'une dette oubliée dans le fatras de l'ambiance démagogique du milieu et de l'époque, dette qui nous oblige et se rappelle néanmoins à notre souvenir, nous poursuivant à l'occasion, alors même que nous avons été jusque parfois en perdre la trace, trouvant dès lors sauvage et violent qu'elle puisse nous être réclamée.

 

J'aime, à l'occasion, relire ces lignes de Pierre Legendre  qui nous parlent d'inceste social :

 

Découvrant les coulisses de la construction humaine,

la civilisation occidentale s'est crue affranchie du théâtre et de ses règles,

des places assignées et du drame qui s'y joue.

Elle regarde avec des yeux d'aveugle,

Œdipe-roi, la flûte enchantée, la grande scène rock,

les murs de la ville tatoués par des tagueurs.

Les fils sont destitués,

l'enfant confondu avec l'adulte,

l'inceste avec l'amour,

le meurtre avec la séparation par les mots.

Sophocle, Mozart et tous les autres,

redites-nous la tragédie et l'infamie de nos oublis.

 

L'inceste social !.. N'est-ce pas un risque, pour nous enseignants qui sommes parfois amenés à accompagner un temps en coulisses le cheminement de nos élèves dans les praticables de la scène sociale, de les voir ne plus savoir où situer la ''vraie vie'', entre la scène du meurtre tentée d'être passée à l'acte et le travail institutionnel de désintrication de cette pulsion meurtrière par les mots.

L'épi-est-sur-t'erre, Véronique et Philippe Legouis

      Salvador Dali, le Christ de Saint Jean de la Croix

 

i) Jean Oury faisait fréquemment référence aux travaux de Léopold Szondi chez lequel on découvre cette double dimension d'expropriation et/ou d'appropriation de la loi, double dimension qui a pour effet que, soit nous sommes interpelés par elle en tant qu'elle nous est extérieure, voire étrangère, soit nous l'interpelons en tant que nous cherchons à la faire nôtre d'une manière ou d'une autre. D'une manière ou d'une autre, c'est à dire positivement, en voulant s'inclure dans le champ de la légalité, en interpelant l'autorité, en voulant se faire reconnaître et s'approprier la loi, mais aussi négativement, en s'en sentant exclu, ou de trop, en partant en lui tournant le dos et en feignant d'y renoncer mais en n'en pensant pas moins...

Le tableau ci-dessous (établi à partir d'un tableau de l'ouvrage de Jean Melon et Philippe Lekeuche, Dialectique des pulsions, éditions De Boeck Université, p.132) veut représenter, dans la perspective Szondienne, la dialectique interne qui est celle de la loi : dans la colonne Expropriation, le sujet est passif par rapport à la loi avec laquelle il entretient un rapport de tout ou rien, soit qu'au départ du circuit ( - ) elle lui tombe dessus et, que le sujet, de se la voir imposée, s'en sente parfois exclu comme si on le tuait ; soit qu'à l'arrivée ( + ) elle fasse l'objet d'une approbation inconditionnelle et d'une identification servile.

Mais la loi n'est pas une pure interdiction qui vient s'opposer au désir pré-existant. Dans « Le Moi et le Ça », Freud repère la structure contradictoire du Surmoi qui, à la fois, commande et interdit d'être comme le Père. C'est pourquoi, dans la colonne Appropriation voisine, le circuit de cette dialectique peut conduire le sujet à une contestation séductrice et transgressive qui tente de mettre l'autorité dans sa poche, s'inscrivant ainsi activement dans le champ de la légalité ( + ) ; mais aussi, tour à tour, et dans cette même colonne Appropriation, le circuit passe par le fait de s'exclure tout aussi activement ( - ), tout en n'ignorant pas que la loi que l'on conteste est bien là. Le sujet peut donc, de chacune des deux places de cette seconde colonne, jouer avec les limites de la loi et ainsi se la rendre familière.

Ce jeu qui permet de s'approprier et d'habiter singulièrement une loi déjà-là, peut être rapproché d'une définition que Tosquelles donne - dans les annexes de la thèse de Claude Poncin publiée par l'Association Culturelle de St Alban - de l'institutionnalisation qui, selon lui, est « la structuration de l'institution par le sujet lui-même, où le cas échéant, de nouvelles lois se dégagent intégrant le désir ou plutôt l'affect ».




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