C'est un fragment de monographie entendue aux Journées Pédagogie et Psychothérapie Institutionnelles de La Borde de cet automne 2024 qui nous donnera pré-texte à ouvrir cette note. Dans une classe unique de maternelle, un élève a trouvé le moyen de faire reconnaître un métier qui n'y existait pas, pas sous la forme qu'il propose en tout cas, et qui, du point de vue de ce qui pourrait prendre place au côté d'autres activités de rangement en fin de journée, n'apparaît d'abord pas, aux yeux de la maîtresse, des plus utile à l'organisation de la classe. Dans mon souvenir, il s'agissait de « bien » ranger les animaux, dans le souci d'aider la maîtresse.
Il nous a semblé que cette situation rejoignait, particulièrement bien à propos, dans le cadre des regards croisés auxquels pouvaient donner lieu ces journées, une remarque faite il y a bien des années par François Tosquelles dans l'annexe de la Thèse de Claude Poncin - publiée par l'Association Culturelle des personnels de St Alban -, interrogeant la place que Poncin accordait dans ce travail, au ''récit'' d'une malade et à sa subjectivité : « On peut se demander alors ce qu'il advient de l'affect et de la demande ». Il voulait souligner ainsi, dans le contexte de cet Essai d'Analyse Structurale appliquée à la Psychothérapie Institutionnelle, « le risque qu'à la place du devenir et de la mobilité du transfert, ne vienne se substituer auprès des malades qu'une offre de « à prendre ou à laisser ». Dans le même paragraphe, il avait en effet insisté sur une définition de «l'institutionnalisation qui est la structuration de l'institution par le malade lui-même » 1.
La reprise de cette problématique à un autre moment de ces journées, en groupe restreint, en s'appuyant sur la situation décrite dans cette classe où l'utilité d'un métier pas vraiment indispensable était interrogée à l'aune de l'affect et de la demande d'un jeune élève, avait fait naître une réflexion relative à « des choses auxquelles on ne penserait pas et qui, pour eux, ont une grande importance ». Dans ce groupe qui réfléchissait à des questions de transmission, faisait alors retour cette phrase entendue lors de la discussion de cette courte monographie : « On ne s'inscrit pas sous la chape de l'enseignant ». On avait parfois entendu au cours de ces journées, l'argument d'une pédagogie institutionnelle qu'on pratiquait « pour de vrai ». Le positionnement de cet enfant interrogeait pour le moins l'envers d'une telle médaille qu'avait déjà interrogé, dans l'introduction de notre Epilogue au jardin de l'impossible, en lien avec la problématique du miroir, l'entrée dans le comme si d'une fiction... celle d'être humain. Mais dans l'exemple précédant, de quelle vérité était-il question ? Celle du fonctionnement rationnel de l'organisation de la classe ? … ou la vérité d'un sujet ?
Au regard de ces deux dernières questions mais aussi du souvenir fugace de cette volonté délibérément affirmée en grand groupe de pratiquer une pédagogie institutionnelle « pour de vrai », une sourde culpabilité en est venue à nous travailler alors que nous nous réunissions dans le cadre de L'épi-est-sur-t'erre : avoir mis en garde comme nous l'avions fait dans notre Epilogue, les demandeurs de formation contre la tentation d'une identification trop immédiate aux modèles proposés par leurs formateurs, à partir de l'image mythologique de la désillusion de Narcisse, cela ne risquait-il pas, sous prétexte de se protéger des effets délétères d'un enlacement narcissique qui empêcherait de trouver et/ou de ''faire'' son propre chemin en PI, de maintenir dans l'oubli ou de ne pas prendre en compte une composante essentielle de l'identification qui, elle, pourrait dépasser le fait de n'y rechercher platement que l'image autosuffisante de son « moi-idéal » ?
Certes, nous avions tous deux dans nos milieux professionnels respectifs rencontré toutes sortes de situations dans lesquelles s'était confirmée la nécessité de faire à notre main les outils de la PI 2, jusqu'à ce que parfois, déguisés de la sorte, ils en deviennent méconnaissables, et ce n'était pas tant le fait de revendiquer, voire de recommander la pratique de ce type d'infidélité (d'écart) au modèle qui nous faisait scrupule car sur ce terrain, au Ceépi, nous avions été à bonne école, sans pour autant ériger un tel iconoclasme en religion. Ne trouve-t-on pas trace, dans l'entretien collectif « Passages » du Livre des Groupes, dans « Actualité de la Pédagogie Institutionnelle »3, de cette réflexion de Michel Exertier sous l'intitulé ''D'un système solaire à un système stellaire'' :
« A un moment donné, Fernand a dit, écrit, je ne sais plus où : ''La PI, maintenant, elle existe, déposée sur les rayons d'une bibliothèque ; elle est dans les bouquins maintenant, encore faut-il les lire.'' C'est certainement ce qui a fait tilt pour moi ! La « PI-Pravda ! » écrite une fois pour toutes, il n'y a plus qu'à appliquer la théorie 4. » (p.63)
Et ces dernières années, des espaces de travail sur le thème « Mais qu'est-ce qu'il y a donc de P.I. là-dedans ? » 5 ne s'étaient-ils pas formés ici ou là à l'initiative de Philippe Jubin ?
Ce point ayant donc été re-travaillé 6, précisé, et désormais admis, - du moins nous l'espérons -, comme une vraie question récurrente dans les situations de formation, il n'en demeure pas moins que continue à nous questionner le plus sérieusement du monde le pour de vrai de cette autre dimension de l'identification que nous évoquions dans un paragraphe précédent comme une autre composante de la logique qui la soutient.
Faisant à ce propos référence à un énoncé de J. Laplanche et J.-B. Pontalis dans le Vocabulaire de la Psychanalyse, relatif à l'Identification, Pierre Legendre souligne dans le volume III de ses Leçons, intitulé Dieu au Miroir, que ce concept qui traverse l'entière architecture du psychisme, désigne, ''comme il a été noté'' 7, l'opération par laquelle le sujet humain se constitue. « Je voudrais insister, continue-t-il, sur le fait que les processus subjectifs de l'identification, s'inscrivent comme devenir de l'enlacement narcissique, et que le déploiement de l'image du Père 8, véritable clé de l'ordre symbolique, table sur la structure narcissique. Cela, on ne le répétera jamais assez, car si l'on ne comprend pas que le plan symbolique est la reprise dans le dépassement de la constitution imaginaire du sujet, la question de s'identifier – c'est à dire le défilé des images identificatoires à la place structurale de l'image narcissique – ne peut être étudiée dans toute son ampleur psychique et ses prolongements sociaux et politiques. Mais avant d'introduire ici une notation fondamentale de Freud (l'identification primaire au père), je vais faire appel une fois de plus à la dimension mythologique afin de préparer le lecteur à recevoir comme il convient la problématique dont il s'agit. » (p.70)
Faire appel à la dimension mythologique s'agissant de ce qui peut faire office de fondement à l'architecture du psychisme, voilà qui ne manque pas d'audace à l'heure des neurosciences, et pourquoi ne pas le dire, dans le contexte de rencontres pédagogiques qui ne renient pas l'origine de leur Pédagogie Institutionnelle du côté des Techniques Freinet et de leur matérialité, pédagogie dont l'inventeur revendiquait le caractère de scientificité. Pourtant, concernant une identification à un Père à majuscule, qu'il soit pour un individu le Père de la préhistoire personnelle, ou plus collectivement pour une société le Père mythique de la Horde à qui les fils auraient réglé son compte pour mieux en idéaliser la mémoire, et même en transférer par la suite l'image dans des idéaux sécularisés (liberté, égalité, fraternité, etc...), force est encore aujourd'hui de constater, et cela pour bien des raisons, que le père est toujours incertain, ce qui se confirme d'une formule qui n'est pas que le fruit d'une réflexion de Pierre Legendre, selon laquelle « l'office du père est fragile ». Ce serait donc à partir de la fragilité d'un tel « lieu » posé comme déjà-là, et de la précarité qui le caractérise, qu'une tiercéité pourrait se fonder à questionner parfois la solidité de la monnaie que nous renvoie le miroir de la scène narcissique.
Laissons donc agir à ce niveau l'efficience du mythe dont l'ami Pierrot se fait relai auprès de nous :
« On rapporte que Jamblique, philosophe néo-platonicien qui enseignait au début du IVè siècle dans la Syrie hellénisée, accepta d'accomplir un prodige pour édifier ses élèves. Se trouvant avec eux en excursion aux sources chaudes de Gadara, il procéda ainsi :
Il leur demanda d'abord de s'enquérir du nom qu'autrefois on donnait à deux d'entre elles. Les élèves ayant appris que les deux sources portaient les noms de deux Eros antagonistes, Éros et Antéros, il toucha de sa main l'eau de la première en prononçant une courte invocation. Un garçon aux harmonieuses proportions fit son apparition du fond de la source. Jamblique alla à la source suivante et renouvela le rite, faisant apparaître un autre Éros identique au premier. Le texte indique alors : « Les deux garçons l'enlacèrent et, tels des enfants vis à vis de leur père véritable, ils ne desserrèrent pas leur étreinte. Il les rendit ensuite à leur élément naturel et s'en alla, après avoir pris son bain. »
Faisant alors référence au mythe de Narcisse, Pierre Legendre propose de s'arrêter sur ce que ce prodige suggère, à savoir que « l'enlacement narcissique a un devenir et qu'il trouve son issue symbolique dans l'amour du Père. Il y a renversement du processus narcissique : dans la scène ovidienne Narcisse est fasciné par l'autre énigmatique sur la surface de l'eau, ici, par deux fois, c'est l'image qui prend corps et vient enlacer Jamblique, tel un ''père véritable''. (…) occasion pour nous de concevoir ceci : que l'identification s'organise à partir du fonds, disons plutôt du tréfonds narcissique de tout sujet ».
Ainsi, l'image peut nous enlacer et nous captiver pour le meilleur mais aussi pour le pire, si l'on pense à l'ambivalence dont peut être porteuse, tant individuellement que collectivement, celle d'un Père lié à une préhistoire qui donnerait « lieu », par le truchement de l'identification à laquelle il se prête, à ce que puisse en découler une histoire à laquelle nous sommes invités à croire, sans pour autant que puissent en être fournies aucune caution ni garantie autres que sujettes à interprétation. En effet, parler de préhistoire en parlant de ce Père (à majuscule ou non) en même temps que d'une identification première dont il serait support, suppose d'une part qu'il soit conçu comme déjà-là, avant même qu'aucun objet n'ait été discernable aux yeux d'un sujet, et entraîne d'autre part que l'identification dont il est cause en tant qu'elle est dite primaire donnera « lieu » fondateur à ce que des identifications secondaires s'inscrivent dans la continuité de sa logique en prenant en compte la dimension de tiercéité dont il est porteur : une espèce de logique du « pas-tout » qui peut dès lors se greffer sur le processus narcissique des identifications successives par le défilé desquelles le sujet tentera de s'habiller, voire de se construire sans toutefois y parvenir alors pleinement. On comprend dès lors comment peuvent s'articuler sans être forcément contradictoires les deux leçons proposées par les récits mythologiques auxquels Pierre Legendre nous a invité à réfléchir.
Dans un autre de ses ouvrages intitulé Le crime du caporal Lortie et sous-titré Traité sur le Père, évoquant le cataclysme survenu en Occident à l'occasion du nazisme, Legendre pose l'enjeu de Folie ou de Raison pour l'humanité à partir de cette question : la vérité de la filiation est-elle du côté du corps ? Comment le savoir, c'est à dire comment élaborer des réponses qui ne soient pas folles ? « Nous entrons dans la civilisation des interprètes, poursuit-il, et c'est à ce montage-là que l'hitlérisme s'est attaqué », avant d'affirmer plus loin que le scientisme a été l'atout du brigandage hitlérien. N'hésitant pas à parler de meurtre de la Référence ayant entraîné l'avènement d'une conception bouchère de la filiation, il pose que l'enjeu de l'interdit, c'est la construction institutionnelle du principe de Raison dans l'humanité. Raison au sens de Cause qui avant de devenir Cause sécularisée dans et par les idéaux des civilisations occidentales modernes, prenait figure de Cause divine le plus souvent inévitable et obligatoire, avec les effets de « Vérité » que l'on sait désormais.
Or, c'est le chemin inverse de celui pratiqué par le processus de cette sécularisation qu'a emprunté le nazisme pour toucher la culture en ce point sensible en promouvant l'idée d'une législation raciste comme un droit sanctissime de l'homme. « Une telle législation n'est pas un texte, commente Pierre Legendre, mais un geste comptable d'essence bouchère ; en tant que telle, elle signifie l'arrêt de mort de l'interprète. Il y a beaucoup à réfléchir là-dessus : les textes hitlériens sont le prototype de la conception comptabiliste du droit ». Ces textes en effet reprennent en le pervertissant le schéma universel du discours sur la filiation : 1, dire que la Loi est la Loi ; 2, notifier la causalité dont procède la Loi, c'est à dire invoquer l'Auteur mythologique de la Loi. Or, avec le scientisme, il n'est plus question que ce qui fait foi soit agencé à partir d'un espace d' interprétation puisque la vérité du scientisme ne peut être ni évitée, ni questionnée de la place d'un tiers lieu qui lui échappe.
''Mort de l'interprète'', dit Legendre, au sens où, pour en revenir au « lieu » fondateur d'une tiercéité qu'inaugure la figure d'un Père préhistorique déjà-là évoqué précédemment, c'est de ne pas être occupée en vrai que la dimension mythologique de ce lieu en fait la base d'un espace possible d'interprétation qui dès lors accompagnera le sujet (tant singulier que collectif) dans les traversées ultérieures des identifications qui s'offriront, dans leur immédiateté et leur trompeuse évidence, à ses investissements.
Tout cela porte à conséquence dans la grammaire où s'articulent nos contextes institutionnels, ne serait-ce que dans les propos que tient Jean Oury, lorsqu'il pose que « la discorde est la gardienne de la structure », où l'on peut entendre, si l'on veut, à l'aune de ces deux catégories grammaticales de la négation 9 que sont négation forclusive et négation discordantielle, que pour qu'un collectif tienne plus du mille-feuilles que du flan, il y va que des « ça n'va pas de soi » puissent y faire valoir un droit de cité, qu'à eux seuls, les « ça va de soi » ne suffiraient pas à faire exister, car de cité ou de Loi, pas plus que de civilisation ni de Collectif, il ne saurait se créer dans de telles conditions d'unanimité.
Je peux d'ailleurs attester à cet égard, s'agissant de l'histoire de la PI, que ce sont très probablement de telles considérations qui dans les années soixante-dix, se sont exprimées à travers ces mots dont j'ai été alors pris un jour à témoin : « il n'y a pas de Conseil, il n'y a jamais eu de Conseil au(x) GET(s)», me laissant entendre aujourd'hui que très certainement, il ne s'agissait pas que d'appeler de ses vœux un ''Conseil d'organisation'', mais aussi d'un ''lieu'' où la parole la plus singulière en chacun aurait la possibilité d'être entendue et de trouver à y être déposée, partagée, voire aménagée.
Ainsi, les fils meurtriers d'un Père à majuscule ne s'en retrouvent-ils pas quittes pour autant : poursuivis par la culpabilité, ils idéalisent la représentation à la fois ambiguë et inestimable de ce Père aussi omnipotent qu'impossible, espace institué « au nom de... », … d'un « lieu » mythique d'où il est rappelé à chacun qu'à vouloir ré-occuper ou pré-occuper à tout prix cette place laissée volontairement vacante, la parole entre frères en perdrait de vue sa Raison d'exister et avec elle la dimension éthique des questions que leur sourde culpabilité soumettait à leur interprétation.
Ainsi en chacun de nous aussi, - mais bien sûr, analogie n'est pas raison - de cet élève qui trouve la ressource en lui-même de proposer la « création » d'une institution qui lui soit adéquate... soutenant son ça ne va pas de soi à l'aune d'un « bien » qui d'avoir été entendu par les uns et les autres dans sa matérialité linguistique, fait exister la dimension singulière d'une interprétation qui participe d'un autre-lieu, préhistorique 10, puisqu'avec ce singulier « bien » qu'il prononce depuis son tréfonds, et que dans cette dimension transcendantale 11 on ne saurait mieux définir, commence peut-être l'histoire de cet élève dans sa classe voire son inscription dans sa propre histoire.
L'épi-est-sur-t'erre (décembre 2024)
1Thèse pour le doctorat en médecine par Monsieur Claude PONCIN, Essai d'Analyse Structurale appliquée à la Psychothérapie Institutionnelle, Université de Nantes, Faculté mixte de Médecine et de Pharmacie, Année 1962-63, publiée par l'Association Culturelle du Personnel de St Alban (pp.74-75)
2 Faire ses outils à sa main ...ainsi en parlait Jean Oury dans le Séminaire de Ste Anne le 21 février 2007 : « Alors il (Damien Cru) nous expliquait le travail des pierreux. C'était vraiment, le langage des pierreux, avec des cailloux, comme ça, ''louper la façade'', tout un tas de machins, comme ça… et alors, sur quoi il insistait ? Ce qui compte, ce qui traverse, ce qui traverse même les changements de gouvernement, c'est la boîte à outils. Et la boîte à outils des pierreux, quand c'étaient encore des vrais pierreux, quand ils pouvaient encore travailler et pas être emmerdés par des bureaucrates qui pointent sur leur chronomètre, hein, et bien c'est des outils qu'ils fabriquent eux-mêmes, pour les avoir à la main. »
3 Ouvrage paru à la suite du Colloque de 2008 à Paris Ouest Nanterre en hommage à Fernand Oury.
4 Se satisfaire d'appliquer une théorie, même tirée de l'expérience, n'y a-t-il pas là pour des pédagogues, laïcité ou pas, de quoi faire résonner ces paroles de l'Ecriture : « Ils ont mangé des raisins verts et les dents des enfants en ont été agacées. » (Jérémie 31:29-30) Au regard de ces considérations millénaires, la prise en compte par la problématique du miroir de la prématurité quasi chronique de l'être humain ne nous rappelle-t-elle pas à la nécessaire modération critique de nos bonnes intentions, même en PI ? Sur son chemin singulier, l'enfant de la monographie (merci à son autrice) a lui aussi une manière inattendue de rappeler que la valeur d'échange d'une PI « déposée sur les rayons d'une bibliothèque » et de fait fétichisée (Marx, Le Capital) de se retrouver dans cette position, ne doit pas pour autant nous en faire oublier une valeur d'usage qui, en situation, adhère à son être corporel (Marc Ledoux, Ce qui se passe, Métapsychologie de la psychothérapie institutionnelle, Ed.Jérôme Millon, 2023, p.204).
5 Notamment à l'occasion de la Journée de P.I. du GPI31 du 30 juin 2018 à Toulouse où un groupe de travail avait été co-animé par Véronique Legouis et Philippe Jubin à partir de cette question et d'un texte déjà ancien qu'elle avait présenté ce jour-là (https://www.ceepi.org/des-espaces-de-paroles-quoi-de-neuf-un-peu-de-rien-une-respiration-un-souffle-de-liberte-0299)
6 Notamment à la suite de la 24ème journée « Psypropos » qui s'est tenue à Blois les 04 octobre 2014, ainsi qu'à Orléans le 14 novembre 2014, et dont on peut trouver un reflet dans le texte « Costruttivo, ma non troppo ! » à l'adresse suivante : https://www.ceepi.org/costruttivo-ma-non-troppo-0297 Les actes de ces journées étaient intitulés « Jeux de construction » [Assoc. Psypropos, 120 rte de Tour en Sologne 41700 COUR-CHEVERNY]
7 Vocabulaire de la psychanalyse, Paris, PUF, 1971, pp. 187 ss.
8 Après avoir déployé cette image du Père à majuscule à l'aide du récit mythologique qu'il déroule à la page suivante, Pierre Legendre remarque que l'identification s'organise à partir du fonds, «disons plutôt du tréfonds narcissique de tout sujet. Alors prend consistance, pour notre réflexion, la notation freudienne d'identification primaire au père : derrière l'instance psychique de l'Idéal du moi – traduisons : l'image de l'exigence culturelle - , « se cache, nous dit Freud, la première et la plus significative identification de l'individu, celle avec le père de la préhistoire personnelle », identification qui précède tout investissement d'objet, donc l'investissement du père concret.
9 Le « n'est pas » de la négation discordantielle signifie « est autre que... », ce qui implique la co-existence d'un premier et d'un second, ou encore de l'un et de l'autre. Dans ce cas de figure, on peut dire que « l'un n'empêche pas l'autre ». Lorsque le second morceau de la négation est constitué par des mots comme rien, jamais, aucun, personne comme dans les négations ne... jamais, ne … rien, etc. , la négation est dite alors forclusive et s'applique aux faits que le locuteur n'envisage pas comme faisant partie de la réalité. Ces faits ou ces personnes sont en quelque sorte forclos. « On n'en parle plus ! » [in Danielle Roulot Paysages de l'impossible, Clinique des psychoses, Champ Social Editions, 2006 (pp.122 & 125) ]
10 « La seule contenance (de ce terme : la préhistoire, et non pas l'origine dans le contexte de cette note) nous infligerait une temporalité de pure chronologie. Mais l'origine ne saurait être au passé. Elle est à l'avènement constant d'elle-même au présent. Au présent origine. Instante. C'est à pareil ouvert ''enveloppe de toutes les limites'' qui ne fait acception d'aucune, que nous sommes conviés – '' allant à ce qui ne se laisse pas rejoindre ''. » [Comprendre la psychose avec Henri Maldiney, L'anthropologie philosophique et ses implications dans la pratique psychiatrique, Dir. Yannick Courtel, Ed. Millon, Coll. Krisis (2021) ; p.129]
11 Cette dimension transcendantale, Pierre Legendre, historien du droit et des institutions, nous invite dans son ouvrage Dieu au miroir à en suivre quelques éléments d'une chaîne, du mythe de Narcisse au culte médiéval du voile portant l'image de la Sainte Face (la véronique) représentée dans son évanescence par le peintre Zurbaran, jusqu'à l'autoportrait de Dürer se peignant dans des couleurs qualifiées par lui d'éternelles sous les traits suggérés du Christ. « En résumé je dirai : si Narcisse voit l'autre qu'il ne sait être lui, le fidèle voit l'Autre majuscule qui ne peut être lui ; Narcisse est en deçà de la Raison, le fidèle est au delà, dans les fondements mythiques de la Raison ; dans l'entre-deux se joue la scène sociale. Le miroir serait-il alors témoignage d'un double jeu de la représentation, l'indication d'un passage inévitable et paradoxal auquel est soumis '' le sujet en travail d'identification '' ? Ainsi envisagée, l'instance spéculaire serait cette place qui, dans la construction institutionnelle de la culture et du sujet, noue et dénoue une contradiction ; le lien au miroir serait '' lien qui sépare ''. » (p. 68)